Bâtir la relève, petit à petit .
Elle,
c’est une « crinquée des start-ups ». Musicienne de formation, elle a fondé sa propre école de musique au début de la vingtaine. En 2004, elle a atterri à l’agence de développement économique de la région de Québec, sans trop savoir ce qu’elle y ferait. Elle a aussitôt eu le coup de foudre pour l’entrepreneuriat technologique, devenant, au fil des ans, une spécialiste et une référence incontournable en la matière dans la capitale
Lui,
il lance un projet après l’autre. À 14 ans, il a démarré une agence web. Il a ensuite mis sur pied un site internet d’évaluation de matériel informatique et un autre consacré au voyage. Après des études en informatique, il s’est joint à iXmédia, une firme de Québec spécialisée dans les plateformes et outils numériques, où il a collaboré à la naissance d’une panoplie de projets entrepreneuriaux qu'il continue désormais à développer à son compte.
En 2005, les chemins d’Isabelle Genest et de Mathieu Ouellet se sont croisés à l’occasion d’un pitch. Gardant le contact grâce aux médias sociaux, ils se sont tranquillement découvert des atomes crochus. Un en particulier : le plaisir de monter des projets.
« En affaires, il y a des gens avec qui tu connectes et à qui tu as juste envie de pitcher une idée, sachant que ça va marcher ! », explique Mathieu. Un échange de messages sur Facebook, c’est tout ce qu’il a fallu pour qu’Isabelle et lui se mettent à la recherche d’un concept à développer ensemble. En 2014, avec l'aide de Catherine Morissette, ils ont inauguré un projet très, très « près de [leur] cœur » : la grande journée des petits entrepreneurs.
Le déclic entrepreneurial au Québec
À sa première édition, la grande journée a permis à 300 jeunes de la région de Québec de vivre une première expérience entrepreneuriale. Année après année, le nombre de participants a bondi. En 2017, ils étaient plus de 4 000, répartis aux quatre coins de la province et localisables grâce à une carte web et une application mobile conçues par l’équipe de Mirego.
La popularité de l’initiative lancée par Isabelle et Mathieu est indéniable. Elle en rappelle d’ailleurs une autre : celle de l’entrepreneuriat en général. « Depuis 10 ans, il se passe quelque chose au Québec, observe Isabelle. On a réalisé que l’entrepreneuriat est fondamental pour la croissance et la pérennité de notre économie. La population partage de plus en plus cette idée. »
Les fondateurs de la grande journée s’en réjouissent, évidemment. Mais il y a un mais. Un danger à éviter, selon eux. Celui que le mot entrepreneuriat, à force d’être utilisé à toutes les sauces, finisse par ne traduire qu’une réalité « le fun », occultant du même coup la dureté du monde des affaires.
« Oui, c’est cool de devenir entrepreneur. Oui, tout est possible, convient Isabelle. Mais si tu ouvres ta compagnie aujourd’hui, ne t’attends pas à rouler en Mercedes dans un an ! Ça ne marche pas comme ça. Des embûches, il y en a plein. Beaucoup de start-ups crèvent super vite. Pas parce que leurs fondateurs sont mauvais ou pas fins ! Simplement parce qu’entreprendre, ce n’est pas facile ! »
Des valeurs à cultiver
Avec leur projet, Mathieu et Isabelle ne visent donc pas à transmettre aux jeunes une vision idyllique de l’entrepreneuriat. Ils espèrent leur faire vivre le plaisir — bien réel — d’entreprendre. Ils souhaitent par-dessus tout éveiller chez eux des « valeurs entrepreneuriales » : la créativité, le goût de l’effort, la persévérance, la confiance en soi, par exemple.
« Ces valeurs et ces qualités-là, elles servent toute la vie, précise Mathieu. Que tu veuilles construire ta maison toi-même, lancer un projet en entreprise ou démarrer la tienne afin de vivre de ta passion. Nous, ce qu’on veut donner aux enfants, c’est une expérience sur laquelle ils pourront bâtir. »
Et puis, il y a la notion d’argent, à laquelle la grande journée des petits entrepreneurs sensibilise aussi les jeunes. Derrière leur kiosque de limonade, leur comptoir de cupcakes ou leur présentoir de bracelets faits à la main, les participants sont en effet appelés à mettre un prix sur leurs produits.
Mêler le monde de l’enfance à celui de l’argent, n’est-ce pas assembler un combo controversé ? Il faut y aller de manière délicate avec les petits, souligne Isabelle, mais certainement pas faire abstraction de la réalité mercantile. « Travailler fort, mener un projet à terme et gagner des sous après, c’est correct ! », lance-t-elle avec conviction.
Souvenirs d’enfants entrepreneurs
Isabelle et Mathieu ont eux-mêmes été des petits entrepreneurs avant de fonder la grande journée. Voici l’histoire de leurs premiers pas en affaires.
Mathieu
Jeune vendeur de billets de loto
« À 8 ans, à la veille d’un mariage, j’ai fabriqué des gratteux sur des post-it avec des crayons de cire. Pendant la soirée, je me suis promené d’une table à l’autre avec mes billets. Je les ai tous écoulés ! Malheureusement, je n’avais pas compris le principe du profit, alors j’ai fini la soirée avec 0 $ ! N’empêche que ça a allumé une étincelle chez moi. »
Isabelle
Promotrice (improvisée) de concerts
« Quand j’étais petite, ma mère enseignait le piano et organisait régulièrement des concerts avec ses élèves. Un été où je m’ennuyais, j’ai décidé de vendre des billets dans le voisinage. Le hic : il n’y avait pas de concert prévu ! Quand ma mère me l’a appris, je lui ai répondu : “Ce n’est pas grave, on va en monter un, un spectacle !” D’ailleurs, j’avais déjà vendu tous mes billets ! Pour moi, ça a été un moment déclencheur. »